Tropical

Square

L’été est une saison suspendue, une saison de secrets. Ce qui se passe au coeur de juillet, restera au cœur de juillet.

Nous sommes sur une île. Ou du moins, il me semble. C’est un récif en pleine mer. Il n’y a peut-être pas de grandes personnes ici.1

L’enfant est libre. Il explore. Quelle jungle ! Beauté et cruauté fascinent. Les coups d’éclat des beaux-jours auront un impact signifiant sur les héros et héroïnes. L’été est une saison de l’irrévocable.

C’était un été sans particularité météorologique, celui du retour du général de Gaulle, du franc lourd et d’une nouvelle République, de Pelé champion du monde de foot, de Charly Gaul vainqueur du Tour de France et de la chanson de Dalida Mon histoire c’est l’histoire d’un amour. Un été immense comme ils le sont tous jusqu’à vingt-cinq ans, avant de se raccourcir en petits étés de plus en plus rapides dont la mémoire brouille l’ordre, ne laissant subsister que les étés spectaculaires de sécheresse et de canicule.2

C’est le haut de la vague. L’enfant jubile. Pourtant, un pressentiment d’orage retient ses gestes. Le goût de septembre est déjà sur la langue.

Depuis que Mme Dalleray lui avait offert un verre d’orangeade, Phil sentait sur ses lèvres et contre ses amygdales le choc, la brûlure de la boisson glacée. Il s’imaginait aussi qu’il n’avait bu de sa vie, ni ne boirait désormais une orangeade aussi amère. « Et pourtant, au moment où je l’ai bue, je n’en ai pas senti le goût… C’est après… longtemps après… » Cette visite, qu’il cachait à Vinca, formait dans sa mémoire un point battant et sensible, dont il précipitait ou calmait à son gré la fièvre bénigne. 3

On sait. Qu’il faudra grandir, qu’il faudra faire le deuil, quitter cet état de langueur. On sait bien. Alors on court plus vite, on se jette à l’eau en criant, on cueille des bouquets de chardons bleus et on se bat pour devenir chef de bande. C’est maintenant ou jamais.

C’est arrivé au cours de cet été si vert qu’on en devenait fou. Franckie avait douze ans. Elle n’était membre de rien, cet été-là. Elle ne faisait partie d’aucun club, ni de quoi que ce soit au monde. Elle se sentait sans attache, et elle rôdait autour des portes, et elle avait peur. 4

Puis, fin août, on se laissera embrasser, on a seulement quinze ans ou peut-être dix-huit mais on se laissera caresser. Mieux encore : on choisira d’aller vers l’autre. Le désir plutôt que l’ennui.

Quatre romans à lire ou relire à l’ombre des figuiers :
1 Sa Majesté des mouches de William Golding
2 Mémoire de fille d’Annie Ernaux
3 Le Blé en herbe de Colette
4 Franckie Adams de Carson McCullers