Ça claque, ça pose, ça exhibe les aisselles et gonfle la poitrine : les danseuses et danseurs de waacking sont de sortie ! On le confond souvent avec le voguing, on orthographie rarement son nom correctement, mais quand on y goûte, c’est l’addiction assurée. Bref historique d’une danse qui libère.
À l’aube des années 70, quelques garçons de Los Angeles qui ne peuvent s’embrasser en pleine lumière se retrouvent la nuit en club. Dans la semi-pénombre, les mouvements s’amplifient, les corps respirent profondément : ils bougent, fiers. Toutes les inhibitions sont expulsées. Ces garçons, qui se font traiter de « fucking punk », dansent le disco jusqu’au bout des doigts.
Et puisque la danse donne de l’assurance, et puisqu’il vaut mieux en faire une force, ils utiliseront le mot « punk » et s’en amuseront :« yes, we’re punking ». On fait des manières, on fait les PD, on joue. On joue dans son propre film. Les marginaux décident d’écrire leurs scénarios. Ils convoquent les images de cinéma, les belles gueules des actrices shootées par Larry Carr dans son livre Four Fabulous Faces et voilà l’âge d’or d’Hollywood en mouvements sur la piste. Garbo, Swanson, Crawford ou Dietrich revivent à travers les corps qui se déhanchent. Leurs féminités servent de médium pour la transe. Plus tard, d’autres images viendront influencer les attitudes des danseurs : les combats au nunchaku de Bruce Lee, les sautillements de Bugs Bunny ou même les sabres laser de Star Wars.
Du punking au waacking
Cette nouvelle manière de bouger se diffuse à travers l’émission de variété Soul train ou sur les scènes de concerts de Diana Ross. Les danseurs hétéros s’y intéressent, mais pour éviter d’être associés aux gays, ils utilisent le mot « whack », onomatopée de la « claque » ou « gifle » qu’on retrouve dans les BD de Batman. À nouveau, les gays se réapproprient le mot. Whacking devient waacking.
Cependant, les bras qui roulent élégamment sont coupés dans leurs élans : le sida ravage la communauté. Dans les années 80 et 90, à peine quelques mouvements sont esquissés dans des films, clips ou en clubs new-yorkais… Il faut attendre 2003, pour que le waacking renaisse de ses cendres. Cette année-là, le danseur Brian Footwork Green dénonce le manque de transmission de la part des aînés et se met lui-même à enseigner la discipline.
Aujourd’hui, le waacking se frotte à d’autres styles comme la danse Bollywood, le flamenco ou le contemporain. Il est intéressant de noter que plusieurs femmes aux styles singuliers sont sur le devant de la jeune scène waacking : Lip J, Princess Lockeroo, Albaluzia ou même la Française Ari de B, proche de Kiddy Smile. Leurs mouvements sont puissants, leurs expressions empreintes d’une énergie communicative. Une nouvelle fois, le waacking prouve son pouvoir de libération et d’empowerment.
Article publié dans Hétéroclite. Photo : Paul Moscoso par Miracle de Mille & Elisabeth Palcy