Genlisea

Square

Je suis dans un jardin, au petit matin. La scène est étrange, mais il semble tout à fait naturel que je sois là. Mon pas est décidé. Apparemment, je sais où je vais. La lumière est sale, l’air déjà humide.

Je me glisse entre les portes entre-ouvertes de la serre. Sur un banc, une femme. Je la vois de dos. Sa couleur de cheveux est indéfinissable. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je regarde ses épaules nues. Je me dis nues pourquoi, il fait moins 10 degrés. J’arrive à sa hauteur. J’ai soudain envie de voir sa poitrine. Je me dis avec ce froid, elle a la sève qui pointe. Et puis, je réalise qu’il n’y a ni temps ni température. Au « début » (il y a combien de temps ? Une éternité me semble-t-il), il faisait une chaleur moite et « maintenant », il fait froid. Ou bien, j’imagine qu’il fait froid. Je l’ai formulé. Donc, il doit faire froid.

C’est un corps. Je le désire instantanément. Je serais bien incapable de le décrire. Je ne perçois aucun détail. Je saisis la puissance érotique dans sa totalité : une plante carnivore contemplant son déjeuner. Il est entendu que je vais être dévorée. Le suc me coule entre les jambes. L’ordre des choses est inversé. On me regarde. On m’enlève toute idée que j’avais en tête. J’oublie pourquoi je me dirigeais vers le banc.

Je réalise le tour de passe-passe : je n’ai pas décidé de venir dans la serre. On m’y a attirée. L’idée de puissance zéro me libère. Je m’évanouis. C’est en touchant le sable rouge que je réalise que je suis nue moi aussi. Je pense je vais me salir. Salir n’est pas le mot juste. Peut-être maculer. Frotter. Quelque chose comme ça. C’est une sensation enfouie délicieuse qui revient. Je me frotte par terre, dos au ciel. Le mont du pubis, le mont du pubis je me répète. Je l’avais oublié. Dans les rêves, on oublie tout. Quand on redécouvre, on est l’enfant dans le bac à sable. On se frotte et on se dit qu’il ne faut pas oublier. La sensation est trop ravissante.

Puis subitement honteuse. La plante carnivore me regarde. Je me recroqueville les mains entre les jambes. L’excitation décuple. Honte et ravissement me font exhiber les aisselles. Je veux qu’elle ou il me lèche les aisselles. Elle ou il le fait. Je ne peux m’empêcher de gémir. Il me semble m’entendre à travers l’épaisseur du sommeil. L’autre qui dort dans le lit m’entend, c’est sûr. J’ai quatre mains sur mon corps. Deux aux extrémités rubis (vénéneuses, j’en ai bien peur) me caressent la nuque ; deux aux doigts fins reconnaissables m’attrapent les pieds. Il me semble mourir d’être ainsi disputée. Les seins dans un harem, la vulve dans un autre. La plante carnivore me lèche la pointe du buste, le sultan me pénètre. Je ne suis que palais au dôme frémissant. Le Genlisea dans tous les sillons de mon corps fait inéluctablement son effet.

Il était entendu que j’allais être dévorée.